RÉSONANCE
Un projet artistique et écologique en livres recyclés
Le papier, une matière qui me fascine depuis toujours, est au cœur de ma démarche artistique. Mon parcours en tant qu'artiste m'étant spécialisé en médias d'impression et mon engagement envers l'environnement m'ont naturellement conduite à explorer les possibilités infinies de transformation et de réutilisation de cette ressource précieuse.
Lors d'un projet réalisé avec le ministère de l'Éducation, j'ai eu la chance de découvrir la Fondation Internationale des Cultures à Partager (FICAP), et plus particulièrement leur centre de tri de livres, situé à proximité de mon atelier. Cette rencontre a été un véritable tournant, ouvrant la porte à un univers où les livres en fin de vie peuvent connaître une nouvelle destinée. Inspirée par leur travail de récupération et de transformation, j'ai conçu Résonance, un projet qui allie art, acoustique et développement durable.
Un mur porteur de mémoire et de transmission
Le titre Résonance fait référence à la richesse et à la profondeur contenues dans chaque livre, ainsi qu’à la trame visuelle qui se lit à travers les compositions de couleurs et le placement des coupes de livres. Ces éléments ont été conçus pour créer une réverbération visuelle, tout en absorbant les sons environnants. Les ouvrages, qui étaient à l’origine destinés à transmettre des connaissances, prennent ici une seconde vie sous une forme nouvelle. Empilés, stratifiés et modulés, ils deviennent un mur tangible, symbolique, un vecteur de mémoire collective. Ce projet souligne la valeur intrinsèque du livre, même lorsqu'il est destiné au recyclage. Résonance met en lumière le potentiel des livres à transcender leur fonction première pour devenir une œuvre architecturale, artistique et symbolique. Il offre aussi un espace d’introspection, invitant à la contemplation à travers sa structure modulable.
Recherche et développement
J’ai consacré une grande partie de mon temps à la recherche et au développement de deux modèles de modules reproductibles. Chaque modèle a été conçu pour être à la fois adaptable et modulable, tout en maintenant une cohérence esthétique. La teinte des livres, toujours variable, apporte une richesse visuelle à l’ensemble. La séquence visuelle se construit à partir des livres de poche, offrant ainsi une diversité et une fluidité uniques. Une attention particulière a été portée à la création de modules esthétiques et reproductibles, afin d’assurer une qualité constante tout en permettant une certaine souplesse dans leur utilisation. Il est important de souligner que j’ai choisi de travailler avec ce qui est généralement considéré comme un déchet du livre recyclé. Un temps d’écoute, d’analyse et de compréhension du processus de tri m’a guidée vers cette matière encore jugée non réutilisable : l’épine dorsale du livre. C’est cette partie que je taille et réemploie pour chacun des modules.
Pour chaque œuvre, environ 90 livres sont nécessaires. Ainsi, pour une réalisation composée de 12 modules, près de 1 080 livres sont utilisés. Chargées de symbolique, ces œuvres se présentent à nous sous une forme poétique, à la fois fragile et porteuse de sens.
Collaboration écoresponsable
Dans le cadre de ce projet, j’ai cherché à m’entourer de collaborateurs pour la réalisation d’un support écoresponsable. Après plusieurs discussions, il s’est avéré que mon encadreur, Martin Sénéchal, disposait de chutes de matière provenant de son travail d’ébénisterie. Il a donc été possible d'utiliser ces chutes de cadres en érable pour la réalisation des cadres destinés à ce projet. Cette collaboration permet non seulement de valoriser des matériaux autrement destinés au gaspillage, mais aussi d’intégrer une démarche écoresponsable dans chaque étape de création.
Je tiens donc à remercier mes deux collaborateurs pour leur engagement en faveur d’une pratique artistique respectueuse de l’environnement et durable.
Les objectifs du projet sont multiples :
- Réduction du gaspillage : offrir une seconde vie aux livres, cartons et bois voués à la destruction.
- Innovation artistique et acoustique : utiliser la densité du papier comme isolant phonique naturel.
- Mise en valeur du papier : explorer ses qualités esthétiques et structurelles dans un contexte architectural.
- Engagement écologique et social : sensibiliser à la revalorisation des matières et encourager une approche circulaire du design.
Une fois installé dans sa version optimale, Résonance offre aux spectateurs une expérience percutante. Ils se retrouveront face à une œuvre qui, tout en mettant en lumière les chefs-d'œuvre de l’écriture, les recompose pour créer une trame visuelle contemplative. Cette œuvre profonde, en constant dialogue avec l’environnement, invite à l’introspection et à une réflexion sur la mémoire et le savoir.
« Les mots justes éveillent l'esprit, mais le silence révèle la vérité. » – Lao Tseu
Remerciements
J’entretiens un rapport intime avec le papier, une matière qui me fascine depuis longtemps. Mon expertise en tant qu’artiste et en muséologie m’a permis d’en explorer les limites et d’en repousser les frontières créatives.
Dans le passé, j’ai eu l’honneur de siéger comme membre du jury du National Art on Paper Award (fondé par Judith Bauer et Harvey Lev), où j’analysais des œuvres mettant en valeur cette matière noble. J’ai également passé de nombreuses heures à examiner les piles de papier à l’usine Tecno Lith de Harvey Lev, dans le cadre de projets liés au livre et à l’impression.
J’ai eu la chance d’échanger longuement avec Denise Lachapelle et David Carruthers de la Papeterie Saint-Armand, qui m’ont transmis leur passion pour le papier et l’art imprimé. Ces rencontres ont renforcé mon respect pour ce matériau et pour ses possibilités infinies. Avec un brin d’imagination, il peut se transformer en tout.
Je tiens donc à remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont nourri et encouragé mon amour du papier, ainsi que :
- l’équipe de la FICAP,
- mon ébéniste Martin Sénéchal,
- l’équipe d’Agrégats,
- l’équipe du Comité 21,
- le Conseil des arts de Vaudreuil-Soulanges,
- l’équipe de la culture de Longueuil,
- ainsi que le Conseil des arts de Longueuil.
Enfin, un merci tout particulier au programme de Médias d’impression de l’Université Concordia, où j’ai passé de nombreuses années à repousser les limites de l’art imprimé.